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Le blog d'Anthony Favier

Y a-t-il un moment Macron ?

4 Avril 2017 , Rédigé par Anthony_Favier

Emmanuel Macron (photo de l'Express)

Emmanuel Macron (photo de l'Express)

L'alternative à la droite et à la gauche de gouvernement

En situation de crise, la recherche d'un consensus au centre par l'électorat n'est pas absurde. Surtout lorsque les primaires ont abouti à deux candidats clivants idéologiquement. À droite, Fillon sur un programme très libéral, aux accents thatchériens assumés, et conservateur : la politique familiale de la Manif pour tous. À gauche : le programme de Hamon, très utopique et éloigné de la culture socialiste de gouvernement avec ses projets de sortie assez soudaine du nucléaire et de revenu universel, que même ses concurrents de gauche, Mélenchon le premier, ne demandent pas.

Même si c'est inédit sous la Cinquième République, on ne trouvera peut être pas des candidats des partis de gouvernement traditionnel (socialistes, droite gaulliste) au second tour. Or Macron incarne paradoxalement l'alternance aux partis de gouvernement au centre alors que beaucoup l'attende à l'extrême-droite ou l'extrême-gauche. Le mouvement En marche se présente comme un mouvement citoyen au moment où les organisations traditionnelles sont discréditées et sont associées à de sombres affaires d'enrichissement personnel. Reprenant des accents de la "démocratie participative" de Ségolène Royal, En Marche d'Emmanuel Macron (qui n'a jamais été élu) remet la société civile sur le devant de la scène au moment où la politique institué s'essouffle.

Il le fait toutefois en gardant un code majeur de la Cinquième République : l'adhésion à sa personne comme dépassant les clivages personnelles et représentant une relation directe entre le peuple et un homme. C'est cette hybridité du candidat Macron qui fait sa force. Il associe à la fois des traits traditionnels (le technocrate brillant de la Cinquième République, l'homme accompli dont on voit la mine dans Paris Match chez son coiffeur, le charismatique séducteur) à l'esprit du moment : celui d'un désir d'alternance et de nouvelles têtes.

Le repoussoir des mythologies de la rupture

La pulsion disruptive est à la mode. Elle correspond au goût de l'immédiat et à l'impulsivité de notre temps. À gauche, le "dégagisme" a été théorisé par Mélenchon. Il s'associe à un programme de changement de régime par une assemblée constituante. À droite, le populisme veut sortir de l'Union européenne, de l'euro, de la mondialisation.... Mélenchon joue, avec des variations et sans scories xénophobes ou nationalistes, une partie de la même partition. Ce sont les mêmes variantes d'une seule nostalgie d'une époque où la France était moins inter-dépendante de ses voisins du continent et où l'État pouvait être planificateur et redistributeur.

Jamais l'idée du "passé faisons table rase" n'a été aussi à la mode. Qu'elle s'enracine dans la réaction ou le progressisme, le goût français de la révolution ne faiblit pas. Ceux qui promettent le changement seront ils comptables des choix qu'ils promettent à l'instar des brexiters britanniques ? L'épargne, les exportations, la stabilité budgétaire, beaucoup sentent de manière diffuse que les promesses n'engagent que ceux qui y croient et non ceux qui les formulent. Quand les paramètres vitaux de l'économie seront au rouge, qui sera comptable de choix formulés dans l'excitation du moment ?

Macron c'est la réaction des citoyens qui, par intuition ou par conviction, préfèrent partit de ce qui est plutôt qu'idéaliser des demains qui chantent. Car il est plus dur de réformer par consensus, à partir de ce qui est et dans le rapport de force tel qu'il est aujourd'hui, que de vouloir hypothétiquement renverser la table que ce soit en France ou en Europe. On voit Emmanuel Macron défendre des positions qui ne participent plus vraiment du politiquement correct du moment : la construction européenne, le désir de trouver un modus vivendi avec l'Allemagne et la recherche d'un consensus technique viable.

Mendésisme, rocardisme... et macronisme ?

Au-delà du choix rationnel que représente Macron dans un moment très particulier, il se cherche historiquement une force progressiste non réductible aux forces de gauche traditionnelles et de leurs logiciels hérités. Mendès-France dans les années 1950 ou l'aventure de la "deuxième gauche" des années 1970 et qu'a incarné sans qu'on puisse l'y réduire Rocard en sont la trace.

Les forces de gauche ont beau réduire Macron à l'homme du système et au libéralisme mondialisé, cela me semble plus complexe. D'une part, il n'est pas reconnu comme tel par les libéraux de droite qui voit en lui le successeur du hollandisme et un homme de gauche. D'autre part, il assume une position qui se cherche depuis l'après guerre en France : l'attachement au cadre européen atlantiste, la croyance en la subsidiarité (la négociation par branche), le libéralisme économique contre le corporatisme protecteur des insiders (les projets de la première loi Macron sur les pharmaciens et les notaires) et le refus du social-étatisme jacobin de la gauche historique française.

Je ne vois pas comme un hasard  fait que, au même moment, la CFDT, d'une courte tête certes, devance la CGT dans le secteur privé. Une tendance forte dans la société grandit : celle du goût pour l'autonomie, pour le local et pour l'initiative personnelle plutôt que pour les grosses machineries pour résoudre les problèmes sociaux. La synthèse macroniste va-t-elle fonctionner ? ce serait en tout cas un sacré retournement car ni Mendès-France ni Rocard ne sont parvenus à leurs fins. Macron parviendra-t-il à transformer l'essai ?

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